J’espère que ce message vous trouve en bonne santé.
Le déconfinement commence avec ces beaux jours et nous pouvons enfin commencer de voir et de jouir de l’art à nouveau… en vrai ! C’est donc l’occasion de vous recevoir, sur rendez-vous pour partager avec vous une sélection d’œuvres au service d’un thème qui me tient très à cœur.

Les œuvres que nous vous présentons ici traversent le XXème siècle et déroulent un parcours – d’une subjectivité revendiquée – dans l’abstraction. Par leur format, la modestie des matériaux, l’affirmation du geste artistique, la pureté de la composition et surtout le choix affirmé du blanc et du noir, couleurs abstraites par excellence, inexistantes à l’état pur dans la nature, toutes marquent un moment suspendu, une recherche de l’essentiel par leurs auteurs. Elles sont presque toutes inconnues du marché et des salles de ventes, confiées ou acquises directement de leurs propriétaires et abritées dans l’intimité de leur regard, parfois depuis des décennies.

Le titre choisi Quelques histoires de blanc et noir  est un hommage direct et nécessaire à Quatre histoires de blanc et noir de František Kupka. Ce recueil de 26 planches gravées sur bois, tirées d’innombrables esquisses et croquis, est publié à compte d’auteur en 1926. Il synthétise le voyage vers l’abstraction de ce grand artiste qui affirmait que « l’œuvre d’art étant, en soi réalité abstraite, demande à être constituée d’éléments inventés ». Par la sobriété contrastée du bois gravé, qu’il décrit « blanc immaculé des glaciers inviolés » et « noir infini du cosmos dans l’éternité » Kupka définit sa vision de l’abstraction et revendique un absolu. Cette quête sera partagée par de nombreux artistes qui nourrissent leur art de spiritualité voir de mysticisme et revendiquent l’inspiration majeure de la musique, retrouvée dans les sujets et les formes de leurs œuvres. Quatre histoires de blanc et noir est un geste fondateur, un manifeste inaugural qui ouvre les chemins de l’abstraction.

Dans les œuvres de Kupka, de Herbin ou de Charchoune, grands coloristes ayant réfléchi à la symbolique des couleurs dans une vision spirituelle de l’art, ou de Matta, habitué des couleurs vives, le choix du noir et blanc apparait comme un moment suspendu, une retenue pour  se concentrer sur la forme. Dans les délicats tracés de Sol LeWitt ou les papiers pliés de Sadaharu Horio, le minimalisme monochrome se fait par contre rituel, comme dans le geste précis et méditatif de Degottex.

Je suis heureux de partager ces œuvres avec vous et de voir qu’à travers le temps, un siècle pour certaines, elles continuent de transmettre à chaque personne qui les contemple l’instant d’absolu créé par l’artiste.

I hope this message will find you in good health and spirits.
As the outdoors is slowly opening up with these first days of summery weather, we are beginning to be able at last to see and enjoy art… for real!
This has given me the opportunity of putting together a selection of Master works on an historical theme that has always been close to my heart.

These works that we are proud to present to you here stretch across the 20th century and unfold a – candidly subjective – voyage into abstraction. By their format, the simplicity of the materials, the assertiveness of the artistic gestures, the purity of the compositions and above all the deliberate choice of white and black – abstract colours Par Excellence – that don’t exist in nature, they all mark a suspended moment and their authors’ quest for the essential. These pieces are almost all unknown to the market and the auction houses, entrusted or acquired directly from their owners and sheltered in the privacy of their homes for decades.

The title Quelques Histoires de Blanc et Noir is a direct and necessary tribute to František Kupka’s Quatre Histoires de Blanc et NoirThis series of 26 woodprints, drawn from countless sketches, was published in 1926. It synthesizes the journey towards abstraction of this great artist who stressed that ‘the work of art being, in itself, abstract reality, demands to be made up of invented elements’. By the contrasting sobriety of engraved wood, which he describes as ‘immaculate white of the inviolate glaciers’ and ‘infinite black of the cosmos in eternity’ Kupka defines his vision of abstraction and thrives towards the absolute. This quest will later be shared by many artists whose art will be nourished by spirituality and mysticism and claim music as an essential source of inspiration. Quatre Histoires de Blanc et de Noir is a founding gesture, an inaugural manifesto that opens the way to abstraction.

In the works of Kupka, Herbin or Charchoune – all of them great colourists – who reflected on the symbolism of colours in a spiritual vision of art or Matta, also a colourist, the choice of black and white embodies as a suspended moment, a restraint to focus on the shape. In the delicate lines of Sol LeWitt or the folded papers of Sadaharu Horio, monochrome minimalism becomes ritualistic, as in the precise and meditative gesture of Degottex.

I am happy to share these works with you and to share the realisation that through time, a century for some, they continue to transmit to every viewer the moment of absolute created by the artist.

FRANTIŠEK KUPKA (1871 – 1957)
Noir et blanc : Langage vertical, 1919

Arrivé à Paris en 1896, Kupka a été éduqué à Prague dans le symbolisme de Mucha et gagne d’abord sa vie comme dessinateur de presse, tout en étant anarchiste et féru de spiritisme. Installé en 1906 à Puteaux, il découvre le Cubisme dans sa version orphique auprès de ses voisins, Jacques Villon et ses frères, lors des réunions de la Section d’or qui théorisent le mouvement. Au-delà des questions de représentation que pose le Cubisme de Braque et Picasso, Kupka aspire à un art global qui résonne avec la nature, la science et la musique. Les lignes verticales apparaissent vers 1909, dans Les Touches de piano. Le Lac, peinture hybride singulière où les touches noir et blanc du clavier s’élèvent et se fondent dans le paysage. D’abord mêlées aux œuvres figuratives, elles vont  devenir un sujet en soi, dans la couleur ou le monochrome. En 1919, cette gouache d’une extrême finesse et d’une grande richesse, blanche sur papier noir, témoigne des premiers questionnements de Kupka, virtuose de la couleur, sur son absence. Mais son  sujet, est aussi dans le rythme musical des lignes verticales qui organisent l’espace en plans, comme un jaillissement vital, jusqu’au silence. Ce sont ces mêmes recherches formelles, mais aussi philosophiques et spirituelles, qui aboutiront en 1926 à la création des gravures sur bois des Quatre histoires de blanc et noir.

Kupka, who arrived in Paris in 1896, studied in Prague under the influence of Mucha’s Symbolism. He first earned a living as a press cartoonist, despite being a convinced anarchist and spiritist. Settling in 1906 in Puteaux, near Paris, he discovered Cubism in its Orphic version with his neighbours, Jacques Villon and his brothers (Marcel Duchamp and the sculptor Raymond Duchamp-Villon), during the meetings of the famous group La Section d’Or whose members were the theorists of these movements. Beyond the questions of representation posed by the Cubism of Braque and Picasso, Kupka aspired to a global art that would resonate with nature, science and music. The vertical lines appeared around 1909 in Les Touches de piano. Le Lac, a singularly hybrid painting where the black and white keys of the piano rise up and blend into the landscape. First mixed in figurative works, they would become a subject in themselves, in colours or monochromatic. Created in 1919, this gouache of extreme finesse and great richness of composition, in white gouache on black paper, epitomises Kupka’s first questions -as a virtuoso of colour- precisely about its absence, but his subject also lies in the musical rhythm of the vertical lines that organise the space in planes, like a vital surge, eventually reaching its goal: silence. It is these same formal but also philosophical and spiritual research that will lead in 1926 to the creation of the woodcuts for the Quatre Histoires de blanc et Noir.

Auguste HERBIN (1882 – 1960)
Sans titre, 1919

Artiste traversant les avant-gardes, tour à tour impressionniste, fauve, cubiste, abstrait, figuratif, Herbin est aussi un grand théoricien qui propose un autre chemin vers l’abstraction et aura une influence décisive sur la génération d’artistes de l’après-guerre. Délaissant le naturalisme de ses œuvres de jeunesse, Herbin pratique dès la fin de la Première Guerre Mondiale une abstraction géométrique d’une grande rigueur où formes et couleurs composent une alternative à la représentation de la réalité, qu’il codifie sous la forme d’un Alphabet plastique en 1946. Cette gouache vient directement de la collection de Geneviève Claisse, artiste phare de l’abstraction géométrique des années 60, qui fut l’assistante de Herbin et l’experte reconnue de son œuvre. Datée de 1919, cette composition géométrique en blanc, gris, noir, diffère fortement des grands totems très colorés, en relief, que Herbin expose, sans succès, à la même époque chez Léonce Rosenberg. Elle témoigne en revanche des recherches contemporaines de l’artiste sur la symétrie, l’équilibre des formes et le contraste entre les droites et les courbes. Étonnante dans le parcours coloriste de Herbin, cette œuvre épurée apparait comme une réussite de sobriété et d’harmonie.

Traveling through the Avant-Gardes, in turn Impressionist, Fauve, Cubist, abstract, figurative, Herbin was also a great theoretician who proposed a different path towards abstraction and would have a decisive influence on the generation of artists of the post-war era. Abandoning the naturalism of his early works of youth, Herbin practiced from the end of WW1 a geometric abstraction of great rigour where forms and colours compose an alternative to the representation of reality, that he will glorify in his Alphabet Plastique in 1946. This gouache comes directly from the collection of Geneviève Claisse, a flagship artist of the geometric abstraction of the 1960s, who was Herbin’s assistant and the recognised expert of his work until her recent death. Dated 1919, this geometric composition in white, grey and black differs strongly from the large, very colourful Totems, in relief, which Herbin exhibited -unsuccessfully- at the time with Léonce Rosenberg. On the other hand, it testifies to the artist’s contemporary research on symmetry, the balance of forms and the contrast between lines and curves. Astonishing in Herbin’s Oeuvre, this pure and balanced work is a masterpiece of simplicity and harmony. 

Serge CHARCHOUNE (1888 – 1975)
Nature morte intérieur II, 1944

Né en 1888, Charchoune commence sa vie d’artiste à Paris en 1912. Il voyage dans plusieurs pays qui nourrissent son art au contact des avant-gardes, tout en refusant de s’engager dans un groupe ou un mouvement particulier. Inventeur d’un Cubisme ornemental pendant la Première Guerre Mondiale, il construit patiemment une œuvre subtile en toute indépendance. Sa peinture se situe à la frontière entre figuratif et abstrait, dans un langage formel très personnel où la musique joue un rôle d’inspiration essentiel. Signant son premier contrat en 1944, il entre l’année suivante dans la galerie de Raymond Creuze. C’est l’époque de ce tableau, une œuvre d’une sérénité méditative par sa palette neutre en nuances de couleur grège qui contraste fortement avec les peintures en arabesques très colorées des mêmes années. Sa composition, issue d’une nature morte cubiste  s’échappe vers la décomposition géométrique et l’abstraction des formes, où se lit l’importance de la musicalité, de la tonalité et du rythme, et annonce le style qu’il adopte pleinement dans les années 1950. Célébré par une rétrospective au Musée d’art moderne en 1971, Charchoune est un peintre injustement sous-estimé depuis les années 1980 et il est indispensable de réhabiliter son œuvre que Nicolas de Staël définissait comme « une musique toute de finesse, qui joue sur les rapports subtils de demi-tons, de quart-de-tons, et est parfaitement invisible dans les reproductions en noir et blanc. »

Born in 1888, Charchoune began his life as an artist in Paris in 1912. He traveled to several countries nourishing his art through his contact with the Avant-Gardes, whilst refusing to engage in a particular group or movement. Inventor of an ornamental form of Cubism during WW1, he patiently and completely independently built a rich and subtle Oeuvre that stands on the border between figurative and abstract, in a very personal formal language where music plays an essential role. He signed his first contract in 1944 and joined the gallery of Raymond Creuze the following year. The present painting was created during that time and is a work of rare meditative serenity with its neutral palette in shades of sandstone colour that strongly contrasts with his strikingly colourful paintings in arabesques of the same years. His composition, distantly derived from a Cubist still life escapes towards the geometric decomposition and abstraction of forms, where the importance of musicality, tonality and rhythm is striking and announces the style he would fully adopt in the 1950s, when all his works closely refer to pieces of music and were titled after them. Celebrated by a retrospective at the Musée d’Art Moderne in Paris in 1971, Charchoune has been unjustly underestimated since the 1980s and it is essential to rehabilitate his work that Nicolas de Staël defined as « a very fine piece of music that plays on subtle half-tone, quarter-tone ratios and is perfectly invisible in black and white reproductions. »

Jean DEGOTTEX (1918-1988)
Composition, 1957

Artiste autodidacte, Jean Degottex commence à peindre vers l’âge de vingt ans. En 1949, il expose pour la première fois chez Denise René qui défend depuis la guerre l’avant-garde abstraite à Paris, puis très vite aux États-Unis. Il devient dans les années 50, aux côtés de Simon Hantaï, l’un des pionniers de l’abstraction lyrique, influence principale d’un mouvement abstrait qui explose à Paris puis à New York. Au début des années 50, la rencontre et l’encouragement de Charles Estienne et André Breton sont déterminants. Degottex découvre la pensée Zen qui l’amène à̀ presque abandonner la couleur, pour se concentrer sur l’expression du signe, dans une puissance gestuelle qui traversera son œuvre presqu’à chaque fois fait de séries précises et titrées. L’inspiration de l’extrême-orient est fondatrice pour Degottex, l’artiste se nourrit de la pensée japonaise et du Bouddhisme Zen et s’impose une rigueur de samouraï dans sa pratique tout en laissant libre l’expressivité du geste. Cette grande composition datée de 1957 est restée dans la même collection depuis son achat en 1981. Dans un grand format d’une verticalité inhabituelle, elle témoigne de cette voie originale que Degottex trace dans l’abstraction et de sa série primordiale des Hagakureà l’ombre des feuilles, le titre d’un guide spirituel pour samouraï – à laquelle elle s’apparente. Le dialogue du noir et du blanc est essentiel chez Degottex. Le support, un fond noir, neutre, n’est plus qu’une surface prête à recevoir l’intervention en blanc d’un artiste qui écrit : « Les pleins et les déliés de l’écriture sont une respiration. J’aimerais que ma peinture soit une grande respiration ». Il accueille de grands signes placés d’un jet dans l’espace, l’harmonie et la pureté d’un grand tracé, quintessence du dessin et de cette exploration essentielle et métaphysique de l’abstraction.

A self-taught artist, Jean Degottex began painting around the age of twenty. In 1949, he exhibited for the first time with Denise René who defended the abstract Avant-Gardes in Paris, then very quickly in the United States. In the 1950s, alongside Simon Hantaï, he became one of the pioneers of Abstraction Lyrique, the main branch of an abstract movement that exploded in Paris and New York and was to change the world of art forever. In the early 1950s, the encounter and encouragement of Charles Estienne and André Breton was decisive. Degottex discovered Zen philosophy that lead him to almost abandon colour and concentrate on the expression of the sign, with a gestural power that will define his whole Oeuvre, divided into precise and titled series. The inspiration of the Orient is the main nucleus for Degottex. The artist fed on Japanese philosophies and Zen Buddhism and imposed on himself the rigour of a Samurai in his practice, whilst letting the expressiveness of the gesture flow freely. This composition, exceptional in the purity, the harmony and the complexity of its gesture was created in 1957 and has remained in the same collection since its acquisition in 1981. In a large format of unusual verticality, it testifies to this original path that Degottex traces in abstraction and to the seminal series Hagakure -In the Shadow of The Leaves– the title of a spiritual guide for the Samurai which it embodies. The dialogue between black and white is essential for Degottex. The medium, a neutral and deep black matt background, is a mere surface ready to receive an intervention in white by an artist who wrote: ‘The downstrokes and upstrokes of writing are a breath. I would like my painting to be a deep breath.’ It hosts broad signs thrown as a spray into space, the harmony and the purity of a great outline, the quintessence of drawing and of this essential and metaphysical exploration of abstraction.

Jean DEGOTTEX (1918-1988)
Composition abstraite : La Rose, 1958

Cette très rare œuvre de Jean Degottex exécutée en 1958 est un tableau d’une grande rigueur et d’une radicalité absolue qui annonce les Ecritures des années suivantes. Le passage du geste pur au signe, avec des formes qui rappellent le travail de son ami et admirateur Brion Gysin témoigne d’un moment charnière d’interrogation chez l’artiste. Malgré la complexité de la composition, la rose, élément central de nombreuses œuvres depuis 1957, est présente, en blanc et noir, sans concession. L’artiste intervient par touches incisives sur le fond noir, comme des grattages, loin des Hagakure de 1957, encore empreints du lyrisme des premières années.  

This very rare work by Jean Degottex, executed in 1958, is a painting of enormous rigour and absolute radicalism that announces the Ecritures of the following years. The passage from pure gesture to sign, with forms reminiscent of the work of his friend and admirer Brion Gysin, bears witness to a pivotal moment of questioning by the artist. Despite the complexity of the composition, the rose, a central element in many works since 1957, is present, in black and white, without concession. The artist intervenes with incisive touches on the black background, like scrapings, far from the Hagakure of 1957, still imbued with the lyricism of the early years. 

Georges MATHIEU (1921-2012)
Composition, 1959

Georges Mathieu, passeur du renouveau de l’abstraction d’après-guerre entre France et Etats-Unis et initiateur d’une Abstraction lyrique, nommée d’après ses œuvres, exécute cette petite toile en Argentine en 1959, année de nombreux voyages et grandes rétrospectives de son travail. Peinte en noir, la toile accueille l’éclat lumineux d’un rectangle blanc, poursuivant ce dialogue, essentiel à l’abstraction depuis Kupka et Malevitch. Sur ce fond posé au pinceau, la peinture est ensuite appliquée depuis le tube, avec une matière épaisse qui émerge de la toile, dans des signes rythmés et d’un rare équilibre, sans compromis ni excès, comme un geste calligraphique. Malgré le format modeste de cette toile et le choix épuré des couleurs, Mathieu parvient à traduire la sincérité et la force monumentale de ses plus grandes et habituelles compositions, dans une peinture immédiate, spontanée, trace de la performance énergétique d’un artiste qui revendique « une abstraction qui n’est pas enfermée dans les règles, ou dans les dogmes, les canons de la beauté, une abstraction ouverte, une abstraction libre ».

Georges Mathieu, who was the driving force of the back-and-forth journeys of abstraction between France and the United States after WW2 and an initiator of the celebrated Abstraction Lyrique movement, which was named after his works, executed this small painting in Argentina in 1959, a year of numerous trips and major retrospectives of his work. Prepared in black, the canvas welcomes the luminous glow of a white rectangle, continuing the dialogue, essential to abstraction since Kupka and Malevich, between white and black. Against this background, the paint is then applied directly from the tube, with a thick impasto that springs from the canvas, in rhythmic signs of rare harmony, without compromise or excess, like a calligraphic gesture. Despite the small format of this canvas and the narrow choice of colours, Mathieu manages to translate the sincerity and monumental strength of his larger and most usual compositions of the time into an immediate, spontaneous painting, a trace of the energetic performance of an artist who claims « an abstraction that is not locked in the rules, or in dogmas, the canons of beauty; an abstraction that is open, a free abstraction ».

Maria Helena VIEIRA DA SILVA (1908-1992)
Sans Titre, 1960

Ce tableau de 1960, une huile et encre noire sur toile est unique dans une œuvre faite dans sa majorité de lignes et de couleurs. Artiste complète, Vieira da Silva fut aussi une graveuse accomplie, auteur d’une œuvre graphique originale et sans référence ni reproduction  de sa peinture. Autour de 1960, date de cette œuvre, elle y explore un colorisme pur, à la rechercher d’un équilibre entre clair et sombre, noir et blanc, lumière et pénombre. Dans cette œuvre, parallèle à son œuvre gravé, l’huile intensifie la lumière et la profondeur du noir pour pénétrer le regard de la richesse de la non-couleur et de la non-ligne.

This painting, executed in 1960, an oil and black ink on canvas is unique in an Oeuvre, otherwise made in its majority of lines and colours. A comprehensive artist, Vieira da Silva was also an accomplished printmaker and is the author of an original graphic work without reference or reproduction of her paintings. Around 1960, the date of this work, she explored pure colorism, searching for a balance between light and dark, black and white, light and shadow. In this work, parallel to her graphic work, the oil intensifies the light and the depth of the black so as to allow the eye to penetrate the richness of non-colour and non-line.

Roberto Echaurren MATTA (1911-2002)
Dispelling a Nude, 1969

Matta est un des rares artistes qui aient su maintenir la vivacité révolutionnaire du Surréalisme en la projetant dans la forme de l’Expressionnisme abstrait. Le peintre d’origine chilienne y ajoute une critique politique virulente de la modernité technologique de l’après-guerre, visible dans les thèmes et les éléments, parfois très sexuels, de ses œuvres. Cette huile sur toile, conservée dans la même collection privée depuis les années 70, exprime ses recherches formelles dans une rare sobriété de composition et de tons, blanc, noir et gris, qui structurent l’espace et les figures. Malgré un titre évocateur, traduit par « la dissipation du nu », on cherchera vainement à distinguer un sujet, ici prétexte à une écriture automatique et à une décomposition des figures. Ces formes fluides rehaussées de blanc, créant dans cette œuvre une lumière très rare chez Matta, deviennent abstraites et se dissolvent dans l’environnement, un fond éthéré en nuances de gris sur lequel le dessin tranche en noir franc. Le non sujet de cette toile et son absence de couleurs sert alors le rythme que Matta donne à l’espace, jusqu’à la signature, pictogramme abstrait, qui devient en soi élément de l’œuvre.

Matta is one of the few artists who knew how to maintain the revolutionary vivacity of Surrealism by projecting it into the dynamics of Abstract Expressionism. The artist, of Chilean origin adds a virulent political criticism of the technological modernity of the post-war period, visible in the themes and elements, sometimes very sexually charged, of his works. This oil on canvas, in the same private collection since the 1970s, expresses his formal research in a rare sobriety of composition and tones, white, black and grey, that structure the space and figures. In spite of an evocative title, one can seek in vain to distinguish a subject, a mere expression of automatic writing (L’Ecriture Automatique) and a deconstruction of the figure. These fluid shapes enhanced with white, fill the surface of this work with an extraordinary light, so rare in the artist’s work. Thus, they become abstract and dissolve in the environment, an ethereal background in shades of grey into which the drawing cuts slices of pure black. The non-subject of this work and its absence of colours serves the rhythm that Matta gives to the space, including his signature, an abstract pictogram, which becomes a full element of the work.

Sol LEWITT (1928 – 2007)
30 Lines, 1971

Artiste phare du Minimalisme et de l’art conceptuel américain, théoricien de ces deux mouvements par ses nombreux essais, Sol LeWitt est une figure majeure de l’évolution de l’abstraction à partir des années 60. Ce dessin réalisé en 1971 en est un exemple rare : une merveille d’épure et de poésie. 30 lignes tracées à l’encre, la main libre, réparties sur l’espace carré et vide d’une feuille de papier. Il offre un contraste frappant avec les Wall Drawings qui font la célébrité de l’artiste à la même période en s’affirmant dans la monumentalité, dans la couleur et dans une diversité de formes et de matériaux. Ici, l’œuvre se crée dans une simplicité immédiate : la main, l’encre, le papier. Mais elle se crée aussi, par son économie de moyens et son vocabulaire formel, comme une recherche d’absolu et l’illustration de la façon dont LeWitt théorise l’art conceptuel, en écrivant dès 1967 : « Un espace régulier peut devenir un élément de mesure temporel, une sorte de battement régulier ou de pouls. Quand l’intervalle est régulier, toute irrégularité devient significative. »

A leader of Minimalism and American Conceptual art, a theoretician of both movements through his numerous essays, Sol LeWitt is a major figure in the evolution of abstraction since the 1960s. This 1971 drawing is a rare example and a marvel of purity and poetry. 30 lines drawn in ink, by a free hand, spread over the square and empty space of a sheet of paper. It offers striking contrast with the Wall Drawingsthat made the artist famous at the time by asserting themselves in monumentality, colour and in a variety of shapes and materials. Here, the work is created with immediate simplicity: the hand, the ink, the paper. But it is also epitomised by its economy of means and its formal vocabulary, in a search for the absolute and, as illustrated in LeWitt’s theories on conceptual art as early as 1967: “A regular space can become an element of temporal measurement, a kind of regular beat or pulse. When the interval is regular, any irregularity becomes significant.”

Sadaharu HORIO (1939-2018)
Sans titre, 1977

Méconnu en occident, Sadaharu Horio est pourtant considéré comme l’un des plus grands artistes expérimentaux japonais. Né à Kobe en 1939, pionnier de l’art performatif, il devient le plus jeune membre du groupe Gutaï en 1966, quand ce célèbre mouvement d’avant-garde fondé en 1954 touche à sa fin. Pour Horio, l’art englobe la vie et trouve sa source dans chaque moment vécu. L’artiste fait de la pratique artistique un rituel quotidien où il saisit l’instant et le vole au temps. Il déroulera son œuvre entre installations, performances, créations peintes ou en volume à base de matériaux récupérés, s’exprimant par des modalités extrêmement diverses. Datée de 1977 et inédite sur le marché, cette œuvre de papier, plié, superposé, découpé, suspendu dans l’espace, est d’une délicatesse et d’une poésie infinie. Le geste artistique, mêlant la spontanéité créative et la rigueur du mouvement, métamorphose un matériau commun en œuvre, dans une alchimie minimaliste qui donne à une feuille de papier la troisième dimension, l’inspiration du souffle et l’animation de la matière.

Unknown in the West, Sadaharu Horio is considered one of the greatest Japanese experimental artists. Born in Kobe in 1939, a pioneer of performance art, he became the youngest member of the Gutaï group in 1966, when the famous Avant-Garde movement founded in 1954 was coming to an end. For Horio, art embraces life and finds its source in every moment lived. The artist made artistic practice a daily ritual where he grabs the moment and steals it from time. He would carry out his work between installations, performances, painted creations or volume based on scrap materials, expressing himself in extremely diverse ways. Dated 1977 and never before on the market, this work on paper, folded, superimposed, cut out, suspended in space, is of infinite delicacy and poetry. The artistic gesture, combining creative spontaneity and the rigour of movement, metamorphoses a common material into a piece of art, in a minimalist alchemy that gives a sheet of paper the third dimension, the inspiration of the breath and the animation of the material.

Anselm KIEFER (né en 1945)
Das Rote Meer, 1985

Cette œuvre de 1985, inconnue du marché, a été acquise dans l’atelier d’Anselm Kiefer en 2005. Titrée « Das Rote Meer » (la mer rouge), elle s’inscrit dans un ensemble que l’artiste créé à la suite d’un voyage en Israël en 1984 où il perçoit violemment la perte irrémédiable de la culture juive en Europe. Il se plonge alors dans l’étude des textes judaïques sacrés, philosophiques et ésotériques qui nourrissent profondément ses oeuvres. Kiefer assemble ces multiples références mais aussi les matériaux comme un alchimiste : tirage photographique, feuille d’argent, le plomb, issu de la toiture de la cathédrale de Cologne, traîté à l’acide et le cadre d’acier oxydé conçu par l’artiste. La banalité du sol de l’atelier représenté dans la photographie est sublimée par l’intervention plastique d’un artiste qui ouvre les flots d’une mer de plomb et, comme Moïse, fait jaillir des serpents, fils branchés dans une prise électrique. Au-delà de la monochromie de l’oeuvre, c’est le plomb, élément premier de la transmutation, qui nous fait entrer dans ce rapport entre le noir et le blanc, dans l’approche vers l’abstraction d’un artiste qui revendique – comme Kupka avant lui, une vision cosmologique de l’art.

This work of 1985, unknown to the market, was acquired in Anselm Kiefer’s studio in 2005. Titled « Das Rote Meer » (The Red Sea), it is a piece from a series created by the artist following a trip to Israel in 1984, where he violently felt the irretrievable loss of Jewish culture in Europe. He then immersed himself in the study of the sacred, philosophical and esoteric Jewish texts that deeply nourish his works. Kiefer assembles these multiple references, but also the materials like an alchemist: photographic prints, silver leaf, lead sheets from the roof of the Cologne Cathedral -treated with acid- and the rusted steel frame designed by him. The mundaneness of the studio floor represented in the photograph is enhanced by the visual intervention of an artist who opens the waves of a sea of lead and, like Moses, makes snakes spring, symbolized here by wires plugged into an electrical socket. Beyond the monochromatism of the work, it is lead -the primary element of transmutation- that brings the relationship between black and white to us, by an artist who claims – like Kupka before him, a cosmological vision of art.